L’ORDRE DE LA VISITATION – LE CULTE

  • SON DÉVELOPPEMENT
En 1604, Jeanne-Françoise Fremyot, baronne de Chantal, jeune veuve de 28 ans et mère de quatre enfants, rencontre à Dijon, l’évêque de Genève, François de Sales. Entre eux va s’établir une grande amitié spirituelle qui va la pousser à venir s’installer près de lui à Annecy (à cette époque Annecy était dans le royaume de Piémont-Sardaigne). Ils fondent ensemble, en 1610, l’ordre de la Visitation Sainte-Marie.
 
Son nom « La Visitation », fait référence à la visite de la Vierge-Marie à sa cousine Élisabeth après l’Annonciation et marque ainsi la fête de la Visitation (le 2 juillet à l’époque) « peu solennisée ».
 
À la différence des autres congrégations religieuses féminines, l’Ordre de la Visitation est destiné à accueillir toutes les femmes, sans distinction d’âge, de condition sociale ou de santé.
 
A sa création, les sœurs au nombre de quatre, vivent dans une petite maison des faubourgs d’Annecy « la maison de la galerie ». Une fois par mois, à tour de rôle, deux sœurs pouvaient sortir de la maison pour aller visiter les malades et ainsi garder le lien avec « le monde ». Cette situation était possible car la Visitation était alors une congrégation d’oblates, c’est-à-dire des laïques qui souhaitaient vivre certains aspects de la vie avec une spiritualité monastique.
 
La petite maison d’Annecy ne pouvant satisfaire à l’accueil des vocations qui affluent, les religieuses s'installent près du lac, dans la « maison Nicollin » consacrée par Saint François de Sales en 1617, devenant ainsi le premier monastère de l'Ordre avec une « églisette bien façonnée ».
 
Mais à partir de 1625, par bulle papale d’Urbain VII, afin de se conformer aux règles imposées par Rome et aux autres congrégations religieuses, les Sœurs devront être cloîtrées. Cette règle s’appliquera dorénavant à tous les monastères de l’Ordre. Ils devront être entourés de murs.
 
L’ordre attire de nombreuses vocations en France et en Europe. Le nombre de couvents grandit. Parmi ceux-ci : le couvent Sainte-Marie de l’Antiquaille sur la colline de Fourvière (1630)  et celui de Sainte-Marie-des-Chaînes (1640) sur la rive gauche de la Saône. A la mort de Jeanne de Chantal, en 1641, on en recense 87.
 
Les revenus de l’Ordre proviennent de dons, de dots, mais également de biens propres aux pensionnaires que l’Ordre accueille et éduque.
 
Sous la Révolution, l’Ordre est interdit. En 1805, Napoléon Ier permet la réouverture du couvent sur la colline de la Croix-Rousse. Mais la densité démographique du quartier, l’insurrection des Canuts et les remous de la Révolution de 1848 poussèrent les Sœurs à envisager de s’installer sur la colline de Fourvière toute proche, lieu d'accueil de nombreuses congrégations religieuses, dans un environnement plus propice à leur isolement.
 
Le 10 octobre 1850, l’ordre fait l’acquisition, avec les Carmélites, d’un terrain plutôt isolé d’environ trois hectares sur la colline de Fourvière, dans la rue du Juge de Paix (actuelle rue Roger Radisson), essentiellement constitué de vignes et de vergers avec quelques bâtiments. L’Ordre de la Visitation obtient la partie occidentale, bordée par les remparts de Saint-Just pour préserver son isolement et y édifier son couvent, les Carmélites obtenant la partie avec les bâtiments.
 
La vente des anciens bâtiments de la Croix-Rousse devait permettre de financer la construction des nouveaux bâtiments ; mais celle-ci se faisant attendre, les emprunts et les dons provenant d’autres établissements de l’Ordre financeront les travaux. Enfin, en 1855, le couvent de la Croix-Rousse est vendu. Les fonds recueillis permettent à quatre Sœurs de s’installer dans une petite dépendance, appelée la « Maison de Repassage » (aujourd’hui disparue), mise à disposition par les Carmélites afin de superviser le chantier. Le 16 juin 1856, les Sœurs sont officiellement installées dans leur nouveau couvent, bien que l’église et l’aile nord ne soient pas terminées. L’église sera bénie le 26 septembre suivant.


  • Couvent de la Visitation à Fourvière - Le déclin à Lyon
En 1870 l’avènement de la IIIème République et la guerre franco-prussienne entraînent le lent déclin du couvent. À cette date, les Sœurs se séparent temporairement et renvoient leurs élèves.

Durant la guerre de 1871, le couvent est réquisitionné et vidé de ses meubles pour accueillir des militaires. Des blessés sont installés dans l’aile du pensionnat dans une "ambulance" fermée dès l’année suivante, car trop coûteuse.
 
La laïcisation de l’enseignement oblige les sœurs à trouver d’autres moyens de financement : elles vendent alors une partie de leur mobilier à d’anciennes élèves et mettent en location les appartements situés au-dessus du gymnase.
 
La Première Guerre Mondiale va encore dégrader la situation financière du couvent. Une partie du bâtiment est louée à des réfugiés de Paris. Afin de préserver leur isolement, une nouvelle porte est réservée aux Sœurs, sur l’actuelle rue Roger Radisson.
 
En 1939, le couvent subit une nouvelle réquisition de trois mois. Cette même année, l’archevêque donne l’ordre aux Sœurs de quitter la ville, à l’exception de douze Sœurs chargées de garder la propriété. Le reste de la Congrégation trouve refuge dans la villa d’été du Cardinal jusqu’en juin 1940.
 
En 1965, les difficultés financières ne sont toujours pas réglées. Les bâtiments et terrains sont finalement vendus à la ville de Lyon. André Malraux[1] et Louis Pradel[2] ont alors le projet de créer sur le site du couvent une école d’architecture et de donner l’église  aux habitants du quartier pour leur culte. Les Sœurs déménagent définitivement en juin 1968 dans un nouveau couvent plus modeste, construit à Vaugneray[3], où les Sœurs de Condrieu les rejoignent. La ville renonçant finalement au projet de l’école d’architecture, elle loue les bâtiments aux Hospices Civils de Lyon (H. C. L.) pour y loger des élèves infirmières, puis les archives.
 
Le jardin de la Visitation, propriété de la ville de Lyon est aujourd’hui un jardin public. Véritable coin de campagne dans la ville, les habitants aiment s’y retrouver. De la rue Pauline Jaricot, il est possible de rejoindre le haut du parc archéologique par le chemin de la Visitation d’une longueur de 2 km.
 
Le couvent de la Visitation est désormais un hôtel 4 étoiles, le Fourvière Hôtel. : 75 chambres et suites avec vue, réparties sur trois niveaux, un bar-restaurant "bistronomique", des salles et salons de charme pour séminaires, réunions, événementiels ou fêtes et un espace bien-être « Fourvière Les Bains ».


  • La vie au monastère de la Visitation à Vaugneray
Chaque Sœur était responsable d'un point en particulier : la sœur tourière était responsable des entrées et sorties du monastère, la sœur externe responsable des achats et du contact avec l’extérieur (elle se déplaçait en voiture), une autre du jardin et du potager, une autre pour les fleurs pour la chapelle, la roberie, la blanchisserie, le ménage, la cuisine, etc. tout en observant cette vie contemplative.
De 55 sœurs arrivées à Vaugneray en 1968 au début de la vie du monastère, il n’en restait plus que 12, âgées de 65 à 90 ans en 2005 lorsqu’elles en sont parties.
Les messes et offices étaient ouverts au public et aux retraitants : un aumônier logé sur place était remplacé lorsqu’il était absent par un autre prêtre ou un Oblat de Craponne pour y célébrer les messes.
Une journée-type se déroulait ainsi : prière à la chapelle - repas - travail - repas - prière, cellule pour la nuit. Après les repas du midi et du soir, elles avaient une "récréation" pendant laquelle elles pouvaient parler (de manière mesurée), faire du tricot, de la couture ; pendant les repas : écouter la radio (Radio-Vatican) ou faire de la lecture orale. Le travail consistait en routage de revues, artisanat, travaux de couture-tricot, manutention pour un laboratoire médical.
Une fois par mois, elles avaient la "Journée-Désert" pendant laquelle elles pouvaient faire ce qu'elles voulaient, mais sans sortir du monastère. Elles pouvaient recevoir des visites, mais très peu et rarement.
Une fois par an, date à date, elles renouvelaient leurs vœux. Ceux-ci étaient écrits dans un registre enfermé dans un coffre à trois clés. 
L’association « Domus Patis » constituée de laïcs et de religieuses gérait le temporel administratif et financier de l’ensemble, la mère supérieure gérait le fonctionnement cultuel et quotidien du monastère.
Quid alors des biens ?  En effet, ce monastère appartenait à l'ordre de la Visitation, de Vaugneray, et non pas au diocèse. Tout le mobilier, tous les objets ont été pris en photos et répertoriés, avant leur mise en vente et dispersion dans d'autres monastères ou à des particuliers. Ce coffre, contenant les registres, est parti à Annecy, avec les dernières religieuses. Celles-ci ont procédé par vote pour savoir : ou on reste, ou on ferme
La cloche a été offerte à l’église de Grézieu la Varenne. Une croix en bois qui était sur le parking du monastère a été érigée au hameau « le Rousseau », un cartel indique son origine.
Les dernières Sœurs de Vaugneray sont maintenant à Annecy à la "Maison de la Galerie".
Le couvent couvre une surface de plus de 3000 m2 bâtis, dans un parc de 3,5 hectares. L'association "Domus Pacis" propriétaire du site le met en vente ; la commune de Vaugneray en devient propriétaire, et transforme l'intérieur en appartements, sans toucher à la structure.
Les travaux ont commencé le 29 octobre 2009, et les premiers habitants sont entrés dans leur logement en août 2011.

[1] Ministre de la Culture de 1959 à 1969.
[2] Maire de Lyon de 1957 à 1976.
[3] Voir le dossier "architecture" ci-après.